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En entreprise, les tensions font partie de la vie des équipes. Elles naissent souvent d’un malentendu, d’une divergence de priorités ou de la pression du quotidien. Mal gérées, elles peuvent s’envenimer et fragiliser la relation. Gérées de manière constructive, elles deviennent au contraire une formidable opportunité de rétablir le dialogue, de renforcer la confiance et de faire évoluer les pratiques.
C’est précisément là que la médiation RH prend tout son sens : une solution durable, positive et constructive, ancrée dans la réalité du terrain RH.
Découvrez dans cet article deux exemples de médiation en entreprise, avec Matthieu Hue, avocat en droit des affaires et du travail et médiateur agréé par le CMAP chez LexStep Avocats (Paris – Strasbourg), Shuja Uddin, ancien juriste devenu médiateur en entreprise et formateur en gestion de conflits et Nathalie Wirth, co-fondatrice de One RH et médiateur RH.
- Comprendre la médiation en entreprise
- Quand et pourquoi recourir à la médiation au travail
- Quel est un exemple de médiation en entreprise ?
- Quels sont les types de médiation en entreprise ?
- Les idées reçues et réalités sur la médiation RH
- Un levier RH durable
- Nos 5 conseils aux dirigeants, DRH et managers
Comprendre la médiation en entreprise
La médiation, c’est avant tout une méthode alternative de règlement des litiges, qu’ils soient interpersonnels, hiérarchiques ou interservices. Un médiateur intervient comme tiers indépendant pour aider les parties à trouver elles-mêmes une issue constructive. « Le médiateur est un facilitateur du dialogue », rappelle Nathalie Wirth. Ce n’est ni un juge, ni un arbitre, ni un psy : il ne tranche pas, il accompagne.
Ce processus suit un cadre légal et déontologique précis. « La médiation, c’est un processus structuré, avec ses règles légales et déontologiques », souligne Shuja Uddin. La confidentialité en est l’un des piliers : tout ce qui se dit reste dans la salle. Volontaire par essence, la médiation ne fonctionne que si les parties s’engagent dans la démarche et si le médiateur reste impartial du début à la fin.
Pourtant, la médiation reste encore peu connue dans les entreprises. Les raisons sont multiples : rôle du médiateur mal compris, confusion avec l’arbitrage, crainte d’aborder les émotions ou de remettre en cause des rapports établis. « La médiation interroge un ordre établi, elle fait tomber les masques », explique l’ancien juriste. Cette ouverture peut bousculer, mais elle est essentielle pour restaurer des relations saines et durables.
Quand et pourquoi recourir à la médiation au travail
Les tensions ne naissent pas du jour au lendemain. Elles envoient souvent des signaux faibles : un climat qui se tend, des échanges moins fluides, des employés qui se parlent moins ou qui évitent certains sujets. « Les DRH, souvent désespérés, nous appellent souvent en dernier recours pour résoudre le conflit, après avoir tout essayé en interne », constate Matthieu Hue. Repérer ces signes tôt permet ainsi de déclencher une médiation avant que la situation ne s’envenime.
Tous les conflits dans le monde de l’entreprise ne se ressemblent pas, mais beaucoup peuvent se résoudre grâce à la médiation. Il peut s’agir de tensions entre deux collaborateurs sur une répartition des tâches, d’un conflit entre des employés de générations différentes, de désaccords entre un manager et son équipe, ou encore de situations tendues entre services aux objectifs divergents. « Le conflit, en soi, n’est pas un problème. Il va y en avoir parce que notre communication est imparfaite », rappelle Shuja Uddin. L’important est que les deux parties soient prêtes à dialoguer.
« Le conflit peut devenir une opportunité d’apporter un changement, et finalement de s’en saisir pour en faire quelque chose de positif » ajoute le médiateur Shuja Uddin.
Les bénéfices pour l’entreprise sont réels et mesurables. La médiation permet de maîtriser les risques, d’éviter l’aléa judiciaire et de réduire les coûts directs et indirects d’un conflit : absentéisme, turnover, perte de productivité, voire le burn out… « Un conflit, notamment en entreprise, ça brise la vie des gens. Il y a des gens qui vont au travail la boule au ventre à cause d’un conflit », insiste Matthieu Hue.
En restaurant le dialogue, la médiation améliore le climat social et préserve l’engagement des équipes, comme le démontrent les exemples de médiation en entreprise ci-dessous !
Quel est un exemple de médiation en entreprise ?
Exemple de médiation 1 : quand un désaccord technique dégénère
Dans certaines organisations, les tensions naissent d’intérêts qui se croisent, et parfois divergent. C’est ce qui s’est produit entre un directeur commercial et un responsable conformité lors d’une réunion. Le premier voulait accélérer la commercialisation d’une offre, le second rappelait les contraintes réglementaires à respecter. « Personne ne se comprenant, le ton est monté, il y a peut être eu tentative de violence et la réunion s’est arrêtée comme ça », raconte Shuja Uddin.
L’entreprise a alors choisi de recourir à un médiateur pour recréer du lien. Après des entretiens individuels pour comprendre les attentes et les perceptions de chacun, la séance collective a permis de rétablir un dialogue minimal. « L’idée, c’était de faciliter le dialogue, qu’ils commencent à se reparler, pour ensuite voir comment ils veulent interagir entre eux », précise Shuja.
Au-delà de la reprise de contact, il fallait réparer un lien abîmé. « C’est une relation qui est amenée à perdurer. Donc il a fallu comprendre comment on fait pour remettre un peu de liant et trouver une manière de souder ce lien qui a été cassé », explique Shuja.
Cette médiation a ouvert la voie à un fonctionnement plus fluide entre les deux fonctions, dans un respect mutuel des impératifs commerciaux et réglementaires. Une preuve que, même après un affrontement frontal, la médiation en entreprise peut ramener l’essentiel : la capacité de se parler et de travailler ensemble.
Autre exemple de médiation en entreprise : l’isolement d’un collaborateur
Passons au deuxième exemple de médiation en entreprise. Dans une petite équipe d’atelier, la cohésion était forte jusqu’au jour où l’un des ouvriers a cessé de parler à ses collègues, devenant même agressif. « Du jour au lendemain, il s’est isolé, sans raison apparente. Les autres l’ont tellement mal vécu qu’ils se sont ligués contre lui », se souvient Matthieu Hue. L’employeur avait tout tenté en interne, sans succès.
Lors de la médiation, le travail a commencé par lever les non-dits. « Il avait perdu son épouse et dû fermer sa petite entreprise. Pour lui, en parler aurait été se rendre vulnérable. Il s’est donc réfugié dans le silence », explique Matthieu. Ce silence protecteur avait été interprété comme un rejet par ses collègues. En séance, chacun a pu dire ce qu’il ressentait et entendre l’impact que la situation avait eu sur l’autre, amorçant ainsi la résolution des conflits.
Progressivement, la compréhension mutuelle a remplacé les malentendus. L’ouvrier n’est pas devenu le meilleur ami de ses collègues, mais le lien professionnel a pu être restauré. Cet exemple illustre la force de la médiation pour redonner de l’humanité à des relations professionnelles abîmées, et permettre à une équipe de retrouver un équilibre durable.
Quels sont les types de médiation en entreprise ?
En entreprise, on observe plusieurs types de médiations selon la nature du conflit.
La plus fréquente est la médiation interpersonnelle, quand deux personnes n’arrivent plus à se comprendre, qu’il s’agisse de collègues, d’un manager et de son collaborateur ou même de deux dirigeants. Elle peut aussi concerner une équipe entière (on parle alors de médiation intra-équipe) lorsque les tensions deviennent collectives, ou deux services dont les objectifs s’opposent (médiation interservices).
La médiation peut être également préventive, déclenchée dès les premiers signaux faibles, ou intervenir en dernier recours lorsque tout a déjà été tenté en interne par les DRH. Comme le rappelle Matthieu Hue, « la médiation ne fonctionne que si les parties acceptent de faire un effort », qu’elle soit anticipée ou engagée après des mois de tensions.
Les idées reçues et réalités sur la médiation RH
Beaucoup d’entreprises pensent ne pas avoir besoin de médiation parce qu’elles estiment qu’il n’y a pas de conflit chez eux. En réalité, les tensions existent partout, parfois invisibles, mais bien présentes, comme l’ont montré nos deux exemples de médiation en entreprise.
Autre idée reçue : la médiation serait réservée aux grandes entreprises ou aux situations extrêmes. C’est faux. Elle peut s’appliquer dans toute organisation, quelle que soit sa taille ou son secteur, dès lors qu’il y a une volonté d’échanger. Comme le souligne Matthieu Hue, « la médiation ne fonctionne que si les parties acceptent de faire un effort ».
Enfin, certains confondent médiation et arbitrage. Le médiateur ne prend pas parti et n’impose aucune solution. « On doit être impartial, c’est impératif », insiste Matthieu Hue. Le médiateur adopte une posture neutre, sans jugement, et met en place un cadre où chacun peut parler en confiance. « Les parties doivent se sentir entendues et comprises », ajoute-t-il, expliquant que la reformulation et l’écoute active permettent aux personnes de s’ouvrir, de se détendre et de dire « tout ce qui doit être dit » dans ce lieu de parole, pour avancer.
Le médiateur crée ainsi un cadre sécurisé où chacun peut s’exprimer et être entendu, afin que les parties trouvent elles-mêmes l’issue la plus adaptée à leur réalité professionnelle.
Un levier RH durable
« Oser regarder le conflit, ce n’est pas un problème, c’est une opportunité de créer des nouvelles règles pour des relations plus saines parce que de toute manière, elles sont amenées à perdurer », rappelle Shuja Uddin.
La médiation, loin d’être un aveu d’échec, devient alors une opportunité de transformer le lien au travail. En tant que spécialistes RH, nous voyons cet outil comme une réponse concrète et durable pour renforcer le lien au travail et avoir des salariés heureux.
La médiation en entreprise s’inscrit ainsi dans la durée comme un véritable levier RH, au service de la politique et de la culture d’entreprise, de la qualité de vie au travail et du climat social. Les DRH qui nous appellent nous disent souvent : « On a tout essayé, on n’y arrive pas », preuve que la médiation n’est pas encore totalement intégrée dans la culture RH, mais qu’elle change réellement la donne quand elle est mobilisée avec :
- Des bénéfices sur votre QVCT : en rétablissant un espace de parole sécurisé, la médiation apaise les tensions, réduit le stress et améliore la coopération au quotidien. Les équipes retrouvent un climat de confiance, favorable à l’engagement et à la performance collective.
- Un effet sur la culture d’entreprise : intégrer la médiation à ses pratiques, c’est choisir le dialogue plutôt que le rapport de force. C’est aussi envoyer un message fort aux collaborateurs : ici, on prend le temps d’écouter et de trouver des solutions ensemble… Un signe concret de maturité managériale.
- Avec un taux de succès de 80% : selon nos expériences et celles des médiateurs interrogés, 80 % des médiations aboutissent à une reprise de contact ou à des accords concrets. Même lorsqu’il n’y a pas d’accord formel, la médiation laisse souvent des bases solides pour avancer et apaisent l’atmosphère générale de l’entreprise.
Nos 5 conseils aux dirigeants, DRH et managers
#1 : Détecter les signaux faibles
Un climat social qui se tend, un collaborateur qui s’isole, des malentendus récurrents, une équipe qui ne partage plus ses idées : ces signaux sont précieux. « Les signaux faibles, quand ils s’accumulent, finissent par mener au clash », prévient Nathalie Wirth. Les repérer tôt permet d’agir en amont et, dans certains cas, de gérer le conflit directement en interne avant d’en arriver à la médiation. Cette vigilance préventive peut offrir la possibilité de rétablir le dialogue rapidement et d’éviter l’escalade.
#2 : Intervenir dès les premiers signes
Un conflit n’explose pas du jour au lendemain. Les tensions s’installent progressivement et peuvent être désamorcées tôt si l’on agit vite. Agir dès les premiers signes permet d’éviter que le dialogue ne se ferme et que la situation ne devienne ingérable : vous pouvez ainsi tenter d’apaiser les tensions dans l’équipe ou bien faire appel à un médiateur pour résoudre une situation conflictuelle.
#3 : Voir le conflit comme une opportunité d’améliorer les règles de fonctionnement
Changer de regard sur le conflit, c’est déjà avancer vers sa résolution. Il peut devenir un levier pour repenser certaines pratiques, clarifier des rôles ou réajuster des processus. En l’abordant comme un moteur d’amélioration, vous transformez une difficulté en occasion de renforcer la cohésion.
#4 : Libérer la parole dans un espace neutre et confidentiel
La médiation fonctionne parce qu’elle crée un cadre rassurant, qu’elle interroge et fait ressortir les non-dits, les sentiments, les émotions. « La confidentialité est un pilier de la médiation qui permet de parler sans crainte sans que cela ne ressorte ailleurs », insiste Matthieu Hue. Un espace neutre permet à chacun de s’exprimer sans crainte d’être jugé ou sanctionné. Cette sécurité favorise une parole plus authentique et prépare le terrain à un vrai travail de compréhension mutuelle.
Dans ce cadre, il ne s’agit pas seulement de dire ce qui s’est passé, mais aussi de partager ce que l’on a ressenti. « Il est important que chacun entende ce que le conflit a fait à l’autre. C’est ça qui permet aussi de créer les conditions du dialogue », rappelle Shuja Uddin. Le médiateur, par ses questions, aide à faire « accoucher » les non-dits, parfois très difficiles à exprimer. La médiation devient alors à la fois un lieu de parole et un lieu d’écoute, où l’on s’entend et où l’on comprend l’autre, sans forcément être d’accord avec lui. C’est ce travail en profondeur qui prépare le terrain à des solutions durables.
#5 : S’appuyer sur un médiateur formé pour garantir la neutralité et la méthode
Le médiateur n’impose rien et ne prend pas parti. Sa maîtrise des techniques d’écoute active et de reformulation aide les parties à se sentir entendues et à exprimer ce qui restait bloqué. Une médiation suit toujours un processus structuré : un cadrage initial avec l’entreprise, des entretiens individuels pour comprendre les perceptions de chacun, puis une ou plusieurs séances collectives pour travailler sur les points de blocage et co-construire des solutions. Cette méthode structurée, alliée à une posture de neutralité et de bienveillance, facilite la gestion des émotions des protagonistes et rend la résolution du conflit réellement possible.